IV.3 Prolog im Himmel (Prologue dans le ciel ) |
La Zueignung et le Vorspiel auf dem Theater n'ont rien à voir avec l'histoire de Faust. Mais pour comprendre le "fil" du drame, le Prolog im Himmel est indispensable, comme nous l'avons déjà mentionné. Dans le Prologue im Himmel, deux conceptions de l'humanité sont présentées. Celle de MÉPHISTOPHÉLÈS, qui ne comprend absolument pas pourquoi Dieu a doté l'homme de la raison, car celle-ci n'apporte rien de positif et le seul usage que l'homme fait de cette raison est de se comporter de manière plus bestiale que n'importe quel animal. Tous les efforts que font les hommes pour repousser les limites qui les entourent sont futiles car cela les rend encore plus malheureux et ils n'avancent pas d'un iota. L'état de l'humanité lui fait tellement pitié qu'il n'a même plus envie de les torturer. Dieu, en revanche, veut que l'humanité repousse ses limites, qu'elle continue à chercher, qu'elle ne sommeille jamais. Faust, l'incarnation de l'homme qui tente de briser toute forme de limitation, a toute la sympathie de Dieu. Dieu permet à MÉPHISTOPHÉLÈS d'essayer de le persuader. Si MÉPHISTOPHÉLÈS réussit à faire renoncer Faust à sa quête éternelle, s'il réussit à en faire un personnage libre, il a gagné le pari, il peut alors l'emmener avec lui. S'il réussit à réduire Faust à une personne satisfaite des plaisirs simples, s'il réussit à en faire un homme vache, il aura gagné.
On peut aussi le dire autrement. Dieu ne connaît pas non plus le but de l'humanité et seules des personnalités comme le Faust, qui repoussent toujours plus loin les limites, peuvent découvrir où va le voyage.
DER HERR: | LE SEIGNEUR |
Nun gut, es sei dir überlassen Zieh diesen Geist von seinem Urquell ab, Und führ ihn, kannst du ihn erfassen Auf deinem Wege mit herab, Und steh beschämt, wenn du bekennen mußt: Ein guter Mensch, in seinem dunklen Drange, Ist sich des rechten Weges wohl bewußt. |
Bien ; je te l’abandonne. Détourne cet esprit de sa source originelle ; entraîne-le, si tu peux le saisir, sur la pente, avec toi, et demeure confus s’il te faut reconnaître qu’un homme bon, dans les ténèbres de sa conscience, s’est souvenu du droit sentier. |
MEPHISTOPHELES: | MÉPHISTOPHÉLÈS: |
Schon gut! nur dauert es nicht
lange. Mir ist für meine Wette gar nicht bange. Wenn ich zu meinem Zweck gelange, Erlaubt Ihr mir Triumph aus voller Brust. Staub soll er fressen und mit Lust, Wie meine Muhme, die berühmte Schlange. |
Très bien ! quel dommage que tout cela doive durer si peu ! Je n’ai pas d’inquiétude sur mon pari. Si j’atteins à mon but, vous m’accordez pleine victoire. Je veux qu’il morde la poussière, et avec délices encore, comme ma tante la fameuse couleuvre ! |
Prolog im Himmel | Prologue dans le ciel |
Der Herr. Die himmlischen Heerscharen. Nachher Mephistopheles. Die drei Erzengel treten vor. | Le Seigneur, les Phalanges célestes, puis Mephistophélès. Les trois archanges s’avancent. |
RAPHAEL: |
RAPHAEL |
Die Sonne tönt, nach alter Weise, In Brudersphären Und ihre vorgeschriebne Reise Vollendet sie mit Donnergang. Ihr Anblick gibt den Engeln Stärke, Wenn keiner Sie ergründen mag; die unbegreiflich hohen Werke Sind herrlich wie am ersten Tag. |
Le soleil, selon son antique manière, fait sa partie dans le chant alterné des sphères, et sa course prescrite se termine par le roulement du tonnerre. Son regard donne aux anges la force, lors même que nul ne peut l’approfondir ; les œuvres sublimes, insaisissables, sont belles comme au premier jour. |
GABRIEL: |
GABRIEL: |
Und schnell und unbegreiflich
schnelle Dreht sich umher der Erde Pracht; Es wechselt Paradieseshelle Mit tiefer, schauervoller Nacht. Es schäumt das Meer in breiten Flüssen Am tiefen Grund der Felsen auf, Und Fels und Meer wird fortgerissen Im ewig schnellem Sphärenlauf. |
Et vite, et inconcevablement vite, la magnificence de la terre tourne autour, et la splendeur du paradis se change en la nuit profonde et ténébreuse. La mer écumante se soulève, dans sa vaste étendue, sur le lit profond des rochers ; et rochers et mer sont entraînés dans la course éternellement rapide des sphères. |
MICHAEL: |
MIGUEL: |
Und Stürme brausen um die Wette Vom Meer aufs Land, vom Land aufs Meer, und bilden wütend eine Kette Der tiefsten Wirkung rings umher. Da flammt ein blitzendes Verheeren Dem Pfade vor Doch deine Boten Das sanfte Wandeln |
Et les tempêtes mugissent à l’envi, de la mer au rivage, du rivage à la mer, et, dans leur courroux, forment tout autour une chaîne impétueuse. La désolation flamboyante précède l’éclat de la foudre ; cependant, tes messagers, Seigneur, adorent le cours paisible de ton jour. |
ZU DREI: |
À TROIS |
Der Anblick gibt den Engeln
Stärke, Da keiner dich ergründen mag, Und alle deine hohen Werke Sind herrlich wie am ersten Tag. |
Ton regard donne aux anges la force, quand nul ne peut l’approfondir ; et toutes les œuvres sublimes sont splendides connue au premier jour. |
MEPHISTOPHELES: | MÉPHISTOPHÉLÈS: |
Da du, o Herr, dich einmal wieder
nahst Und fragst, wie alles sich bei uns befinde, Und du mich sonst gewöhnlich gerne sahst, So siehst du mich auch unter dem Gesinde[5] Verzeih, ich kann nicht hohe Worte machen, Und wenn mich auch der ganze Kreis verhöhnt; Mein Pathos brächte dich gewiß zum Lachen, Hättst du dir nicht das Lachen abgewöhnt. Von Sonn' und Welten weiß ich nichts zu sagen, Ich sehe nur, wie sich die Menschen plagen. Der kleine Gott Und ist so wunderlich als wie am ersten Tag. Ein wenig besser würd er leben, Hättst du ihm nicht den Schein des Himmelslichts gegeben; Er nennt's Vernunft und braucht's allein, Nur tierischer als jedes Tier zu sein. Er scheint mir, mit Verlaub von euer Gnaden, Wie eine der langbeinigen Zikaden, Die immer fliegt und fliegend springt Und gleich im Gras ihr altes Liedchen singt; Und läg er nur noch immer in dem Grase! In jeden Quark begräbt er seine Nase[7] |
Ô Maître ! puisque tu te rapproches une fois, et demandes comment tout se passe chez nous, de même que tu me voyais jadis volontiers d’ordinaire, tu me revois encore au milieu de tes familiers. Pardonne ; je ne sais pas, moi, faire de grands mots, dussé-je m’exposer aux huées de la compagnie ; et d’ailleurs mon pathos le porterait certainement au rire, si tu n’avais perdu l’habitude du rire. Du soleil et des mondes, je ne sais rien dire ; je ne vois qu’une chose : la misère des hommes. Le petit dieu du monde est toujours de la même trempe, et, certes, aussi curieux qu’au premier jour. Il vivrait un peu mieux, ne lui eusses-tu pas donné le reflet de la céleste lumière ; il l’appelle Raison, et ne s’en sert que pour être plus bestial que la bête. Il me paraît, n’en déplaise à votre Grâce, une de ces sauterelles aux pattes allongées, qui volent toujours et sautent en volant, et n’en chantent ni plus ni moins leur vieille chanson dans l’herbe. Encore, s’il pouvait toujours rester dans l’herbe ! mais non, il faut qu’il fourre son nez partout ! |
DER HERR: |
LE SEIGNEUR |
Hast du mir weiter nichts zu
sagen? Kommst du nur immer anzuklagen? Ist auf der Erde ewig dir nichts recht? |
N’as-tu donc rien de plus à me dire ? Ne viens-tu jamais que pour te plaindre ? Et de l’éternité, n’existera-t-il rien de bien pour toi sur la terre ? |
MEPHISTOPHELES: | MÉPHISTOPHÉLÈS: |
Nein Herr! ich find es dort,
wie immer, herzlich schlecht. Die Menschen dauern mich in ihren Jammertagen, Ich mag sogar die armen selbst nicht plagen |
Non, Maître ; franchement, je continue à trouver là-bas tout mauvais. Les hommes me font pitié dans leurs jours de misère ; c’est au point, les pauvres diables ! que moi-même je n’ai pas le cœur de les tourmenter. |
DER HERR: |
LE SEIGNEUR |
Kennst du den Faust? |
Connais-tu Faust ? |
MEPHISTOPHELES: | MÉPHISTOPHÉLÈS: |
Den Doktor? |
Le docteur ? |
DER HERR: |
LE SEIGNEUR |
Meinen Knecht! |
Mon serviteur ! |
MEPHISTOPHELES: | MÉPHISTOPHÉLÈS: |
Fürwahr! er dient Euch auf besondre
Weise. Nicht irdisch ist des Toren Trank noch Speise. Ihn treibt die Gärung in die Ferne, Er ist sich seiner Tollheit halb bewußt; Vom Himmel fordert er die schönsten Sterne Und von der Erde jede höchste Lust, Und alle Näh und alle Ferne Befriedigt nicht die tiefbewegte Brust. |
Oui-dà ! il faut avouer qu’il vous sert d’une étrange manière ! Le fou ne saurait se nourrir de choses terrestres ; l’angoisse qui le travaille le pousse dans les espaces, il a à moitié conscience de sa démence ; il veut du ciel les plus belles étoiles, et de la terre chaque sublime volupté, et, de loin ou de près, rien ne saurait apaiser l’insatiable aspiration de sa poitrine. |
DER HERR: |
LE SEIGNEUR |
Wenn er mir auch nur verworren
dient, So werd ich ihn bald in die Klarheit führen. Weiß doch der Gärtner, wenn das Bäumchen grünt, Das Blüt und Frucht die künft'gen Jahre zieren. |
S’il me sert aujourd’hui dans le trouble, je veux bientôt le conduire à la lumière. Le jardinier sait bien, lorsque l’arbuste verdit, qu’il portera plus tard fleurs et fruits. |
MEPHISTOPHELES: | MÉPHISTOPHÉLÈS: |
Was wettet Ihr? den sollt Ihr
noch verlieren! Wenn Ihr mir die Erlaubnis gebt, Ihn meine Straße sacht zu führen. |
Gageons que vous perdrez encore celui-là, si vous me permettez de l’entraîner peu à peu dans ma voie. |
DER HERR: |
LE SEIGNEUR |
Solang er auf der Erde lebt, So lange sei dir's nicht verboten, Es irrt der Mensch so lang er strebt. |
Aussi longtemps qu’il vivra sur la terre, aussi longtemps ce droit te soit accordé ! L’homme s’égare tant qu’il cherche son but. |
MEPHISTOPHELES: | MÉPHISTOPHÉLÈS: |
Da dank ich Euch; denn mit den
Toten Hab ich mich niemals gern befangen. Am meisten lieb ich mir die vollen, frischen Wangen. Für einem Leichnam bin ich nicht zu Haus; Mir geht es wie der Katze mit der Maus. |
Grâces donc ; car, pour les morts, je ne me suis jamais trop soucié d’avoir affaire à eux. J’aime mieux les joues rondes et fraîches : foin des cadavres ! je suis un peu, à cet endroit, comme le chat avec la souris. |
DER HERR: |
LE SEIGNEUR |
Nun gut, es sei dir überlassen Zieh diesen Geist von seinem Urquell ab, Und führ ihn, kannst du ihn erfassen Auf deinem Wege mit herab, Und steh beschämt, wenn du bekennen mußt: Ein guter Mensch, in seinem dunklen Drange, Ist sich des rechten Weges wohl bewußt. |
Bien ; je te l’abandonne. Détourne cet esprit de sa source originelle ; entraîne-le, si tu peux le saisir, sur la pente, avec toi, et demeure confus s’il te faut reconnaître qu’un homme bon, dans les ténèbres de sa conscience, s’est souvenu du droit sentier. |
MEPHISTOPHELES: | MÉPHISTOPHÉLÈS: |
Schon gut! nur dauert es nicht
lange. Mir ist für meine Wette gar nicht bange. Wenn ich zu meinem Zweck gelange, Erlaubt Ihr mir Triumph aus voller Brust. Staub soll er fressen Wie meine Muhme, die berühmte Schlange. |
Très bien ! quel dommage que tout cela doive durer si peu ! Je n’ai pas d’inquiétude sur mon pari. Si j’atteins à mon but, vous m’accordez pleine victoire. Je veux qu’il morde la poussière, et avec délices encore, comme ma tante la fameuse couleuvre ! |
DER HERR: |
LE SEIGNEUR |
Du darfst auch da nur frei erscheinen Ich habe deinesgleichen nie gehaßt. Von allen Geistern, die verneinen, ist mir der Schalk am wenigsten zur Last. Des Menschen Tätigkeit kann allzu leicht erschlaffen, er liebt sich bald die unbedingte Ruh; Drum geb ich gern ihm den Gesellen zu, Der reizt und wirkt und muß als Teufel schaffen. Doch ihr, die echten Göttersöhne, Erfreut euch der lebendig reichen Schöne! Das Werdende, das ewig wirkt und lebt, Umfass euch mit der Liebe holden Schranken, Und was in schwankender Erscheinung schwebt, Befestigt mit dauernden Gedanken! |
Tu peux t’avancer hardiment ; je n’ai jamais haï tes pareils. Entre tous les Esprits qui nient, le drôle m’est encore le moins à charge. L’activité de l’homme est facile à se ralentir ; il ne tarde pas à se laisser aller aux charmes d’un repos absolu. Aussi j’aime à lui donner un compagnon qui l’aiguillonne et qui, même le diable, le pousse à l’œuvre. Mais vous, purs enfants des dieux, glorifiez-vous dans les splendeurs de la beauté vivante ; que la substance éternelle, active, vous entoure des suaves liens de l’amour, et que votre pensée fixe et persévérante donne la forme aux apparitions qui flottent insaisissables ! |
Der Himmel schließt, die Erzengel
verteilen sich. |
(Les cieux se ferment ; les archanges se dispersent.) |
MEPHISTOPHELES (allein): | MÉPHISTOPHÉLÈS, seul. |
Von Zeit zu Zeit seh ich den
Alten gern, Und hüte mich, mit ihm zu brechen. Es ist gar hübsch von einem großen Herrn, So menschlich mit dem Teufel selbst zu sprechen. |
De temps en temps, j’ai plaisir à voir le vieux père, et je me garde bien de rompre avec lui. Un si grand seigneur parler si humainement avec le diable, c’est très beau ! |
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